Séminaire Notation

Responsable(s): 

Musica enchiriadis, anonyme, 10e siècle. Biblioteca Apostolica Vaticana, Pal. lat. 1342, fo 118 vo.

Après deux années de travaux, le séminaire Notation s'est achevé ce jeudi 1er juin 2017. Cette page en demeurera le témoignage.

L'argumentaire initial était celui-ci:

Le lien qui unit la musique à sa notation (ou réciproquement) demeure mal défini. Pour certains, la notation n’est qu’une reproduction codée, indirecte, sommaire. Pour d’autres, elle est un « métalangage », comme l’écriture linguistique. Roman Ingarden y a vu « un système de prescriptions sténographiques et implicites, […] par lequel s’exprime la volonté de l’artiste expliquant comment l’œuvre qu’il a créée doit être réalisée ». Pour Nelson Goodman, « la partition a pour fonction première l’identification experte (authoritative) de l’œuvre d’une de ses exécutions à une autre ».

L’article célèbre de Charles Seeger, « Prescriptive and descriptive music-writing » (1958), oppose avec force une écriture musicale « prescriptive », symbolique, qui « ne nous dit pas tant comment la musique sonne que comment la faire sonner » et qui requiert une connaissance des traditions qui lui sont associées, à une notation « descriptive », essentiellement fondée sur des représentations acoustiques, et qui indique ce qui se passe « entre les notes ». Cette opposition se situe en quelque sorte entre les notations traditionnelles et des dispositifs de représentation rendus possible par des technologies modernes – entre les notations proprement dites et les représentations.

Nos journées de travail ont mené une réflexion sur ces diverses questions et ont tenté d'y apporter des éléments de réponse. Nous avons assemblé aussi une bibliographie sommaire sur ces divers points, qui pourrait encore être complétée en envoyant des références à Nicolas Meeùs.
 

19 mars 2016

Après une Introduction générale dont on trouvera le texte ici, la séance a été consacrée à deux exposés:

  • Nicolas Meeùs, « La théorie de la partition selon Nelson Goodman »

Les chapitres IV (The Theory of Notation) et V (Score, Sketch, and Script) de Languages of Art esquissent des théories de la notation et de la partition fortement ancrées dans l'ontologie nominaliste de l'œuvre musicale professée par Nelson Goodman. Malgré leur caractère excessif, ces théories soulèvent quelques-unes des questions fondamentales qui devront nous guider pendant ce séminaire.

  • Laurent Cugny, « Théorie des musiques audiotactiles et notation »

La Théorie des musiques audiotactiles de Vincenzo Caporaletti propose une vraie alternative théorique aux couples composition-improvisation et écriture-oralité, lesquels, dans le cas du jazz au moins, peuvent se révéler réducteurs. La présente intervention mettra plus particulièrement en lumière ses aspects concernant la notation, la raison graphique.

La théorie de l'« authenticité » de Goodman (c'est-à-dire de l'identification authentique de l'oeuvre d'art) avait fait l'objet d'un exposé de Nicolas Meeùs en 2005 au séminaire « Langages musicaux ». Le texte peut en être téléchargé ici, tel qu'il avait été revu fin 2005.
 

7 mai 2016

  • Pierre Couprie, « Graphisme et algorithmique dans la notation musicale au second vingtième siècle »

Les compositeurs de la seconde moitié du vingtième siècle ont développé la notation musicale à travers deux aspects principaux : le graphisme et l’algorithmique. Le premier a été le lieu de la création de nouveaux symboles et l’utilisation de graphismes représentant le son, les idées du compositeur, l’action du musicien ou suggérant des partitions à construire. Le second aspect a été développé avec l’apport de l’informatique dans la réalisation de partitions interactives intégrant la notation et les algorithmes permettant de les réaliser. Cette intervention s’appuiera sur des exemples précis pour mettre en valeur le foisonnement des travaux réalisés par les compositeurs depuis les années 1950. 

  • Nicolas Meeùs, « Les universaux selon Leonard Meyer, les écritures prescriptive et descriptive selon Charles Seeger, et la notation musicale »

Leonard Meyer revient dans l'un de ses derniers articles, « A Universe of Universals », sur une répartition des paramètres de la musique en paramètres syntaxiques et paramètres statistiques. Ces paramètres ont des similitudes remarquables avec ceux que décrit Charles Seeger dans son article  « Prescriptive and descriptive music-writing », qui associe les premiers avec une conception des mélodies comme suites de sons isolés, les seconds avec une conception plus linéaire des mélodies. Nous discuterons des raisons qui font que les premiers sont « notables » alors que les seconds ne le sont pas – du moins dans une conception traditionnelle de la notation musicale – et pourquoi Seeger décrit l'écriture des premiers comme « prescriptive », celle des seconds comme « descriptive ». 

21 mai 2016

  • François Picard, « Les notations musicales asiatiques : les syllabiques et les autres »

La présentation d’un certain nombre de notations musicales asiatiques, ou plus précisément d’Asie orientale, a déjà été faite (Walter Kaufmann, Musical Notations in the Orient, Bloomington, Indiana University Press 1967 ; Tokumaru Yoshihiko, « Le rôle de la notation musicale dans le monde non-occidental : l’exemple de l’Asie orientale », Musiques, une Encylopédie pour le XXIe siècle, J.-J. Nattiez ed., Arles / Paris, Actes Sud / Cité de la musique, V, L’unité de la musique, 2007, p. 601-626). Il ne s’agira donc pas ici de faire une présentation, un inventaire, ni même une classification ou une typologie, toutes opérations faisables, et faites, et à refaire. Mais de présenter pour l’oreille et l’œil quelques relations visuelles et auditives entre notation et sons, et tout particulièrement entre notes et noms des notes.

  • ———, « Une notation musicale analogue à sa représentation acoustique »
  • Sylvaine Leblond Martin, « L'usage de l'encodage MEI (Music Encoding Initiative) dans le cas des musiques de tradition orale »

La MEI – Music Encoding Initiative – sert surtout aujourd'hui à encoder la notation de partitions musicales occidentales. Les différents laboratoires de recherche qui l'emploient s’ingénient à encoder l’ensemble des notations, occidentales, des plus anciennes (neumatiques et sur tablatures) aux plus modernes.
Cependant un des buts fondamentaux de la MEI « est de ne pas se limiter à un type de notation musicale ou à un répertorie spécifique » (Pugin, 2016, p.165). C’est en cela qu'elle est particulièrement originale : elle peut s’étendre à une notation occidentale enrichie, voire inédite, en incluant l'usage de graphismes.
Dans le cas des musiques orales, utiliser la MEI implique nécessairement de constituer au préalable des transcriptions, afin de les encoder numériquement par la suite. Il faut noter que, dans la tradition des musiques orales, si la notation ne sert pas à composer, elle a par contre été utilisée, depuis le XIXe siècle, par nombre de musiciens maghrébins et arabes pour noter la musique, à des fins didactiques, d'analyse ou de conservation du patrimoine.
« La notation, quelle qu'elle soit, est la première étape de toute analyse et, jusqu'à preuve du contraire, il n'y a pas de meilleure notation pour la musique de maqam que la notation occidentale » (Nicolas Meeùs). La problématique sera donc de tenter d’abord de noter ces musiques pour les analyser, afin de les comprendre, et de faire ce travail en collaboration avec des musicologues et des musiciens spécialistes des traditions des musiques orales pour mettre en commun les savoirs musicaux et musicologiques indispensables. Ensuite, de se rappeler qu’il s’agit aussi de développer des moyens pour soutenir la conservation de ce patrimoine immatériel, en utilisant d'emblée l’ensemble des outils techniques actuels pour le faire au mieux. 
 


La séance prévue pour le 3 novembre 2016 a été annulée en raison de la proximité de la 9e Rencontre internationale de l'Université Antonine, « Musicologie francophone de l'Orient » (Beyrouth, 6-8 novembre), dont IReMus est partenaire.


1er décembre 2016

 

5 janvier 2017

  • Représenter la musique dans l'Antiquité et au Moyen Age. Le séminaire «Notation» et le séminaire de Frédéric Billiet reçoivent Susan Boynton (Columbia University). Avec la partitipation de Sybille Emerit (chironomie égyptienne), Katarina Livljanic (notations médiévales), Cécile Davy-Rigaux (notation du plain-chant à l'époque moderne), etc.

► Compte-rendu de cette séance sur le blog de l'Université Columbia.
 

2 février 2017

  • Présentation et discussion de deux logiciels d'analyse et/ou de description de musique notée : le logiciel Tonalities d'Antony Pople (https://www.hud.ac.uk/tonalities/), aide à l'analyse de la musique « tonale » (au sens large), et le logiciel Monika, aide à la description de mélodies, dans trois versions différentes (http://nicolas.meeus.free.fr/Monika.html; http://www.psautiers.org/; et une version expérimentale en JavaScript). Nous discutons aussi de quelques projets dérivés ou complémentaires à Monika.

Contribution collective des membres du Séminaire d'Études Ethnomusicologiques de la Sorbonne

 

2 mars 2017

  • Séance inaugurale du projet PolyMIR (Polyphonic Music Information Retrieval), qui « se fixe pour buts de développer un outil d’analyse harmonique informatisé, d’élaborer des modules de représentation visuelle, de contribuer aux standards d’encodage des données musicales et de produire des études pilotes ». Voir ici l' argumentaire de ce séminaire et de ce projet.

 

4 mai 2017

  • Christophe Guillotel-Nothmann et Philippe Rigaux, L’annotation analytique de partitions musicales à partir d’une approche ontologique. Le cas des dissonances du contrepoint renaissant.

Notre intervention présente les éléments d’une approche générale pour l’intégration d’informations analytiques dans l’encodage symbolique de partitions musicales. Cette approche, en cours de développement dans PolyMIR, repose (i) sur une ontologie de la notation musicale, (ii) sur un processus d’extraction des connaissances à partir de cette ontologie et (iii) sur des lignes directrices pour la sérialisation des données dans l’optique de les interroger et de les visualiser.
L’ensemble du processus sera illustré à partir de l’analyse des dissonances dans les répertoires polyphoniques. La distinction entre note consonante (constitutive) et dissonante (non constitutive), l’ornementation des structures dissonantes (par exemple par des monnayages) et l’identification des structures dissonantes irrégulières supposent la prise en compte de différents niveaux de réduction de la partition.  Il s’agira donc également de mener une réflexion sur la manière d’intégrer ces niveaux de réécriture dans l’ontologie en cours de développement

  • Bérenger Hainaut et Catherine Rudent, Liens entre genre musical et partitions

Nous préparons un travail sur des partitions de musiques populaires phonographiques déposées à la BnF, d'une part un corpus lié à la chanteuse Barbara (manuscrits, partitions utilisés en scène ou en studio), d'autre part un corpus de rap contemporain, qui permet de réfléchir aux liens entre genre musical et notation.

  • Nicolas Meeùs, Notations et analyse

« L’une des caractéristiques les plus visibles de l’analyse musicale moderne est la multiplicité de ses méthodes de notation. Les tableaux statistiques, les équations algébriques, les tables et les graphes sont devenus presque indispensables à toute entreprise de théorie ou d’analyse musicales. » Kofi Agawu, « Schenkerian Notation in Theory and Practice », Music Analysis 8/3 (1989), p. 275.

1er juin 2017

  • Zelia Chueke, Geste musical, geste d’exécution. Le parcours notation-analyse-interprétation

Dans cette intervention, je présenterai les bases de la troisième étape de ma recherche autour de la préparation d’une performance musicale, compte tenu des liens entre la théorie et la pratique présents dans toutes mes activités (voire le projet International exchanges on music theory and performance) et qui semblent former une constante de la recherche actuelle. Prenant appui sur les résultats des deux premières étapes, publiées respectivement en 2000 et 2017, j’étudie l’enchevêtrement entre le geste musical et le geste d’exécution dans l’approche analytique de la partition par l’interprète. La partition est considérée comme le point de départ du parcours « entre le studio et la scène » dont l’aboutissement embarque concomitamment une connaissance approfondie de l’œuvre et le choix des gestes d’exécution. La fonction de l’analyse implique une pluralité d’outils, la synthèse, en ce qui concerne la notion du tout et des parties ainsi que la direction du discours. La familiarité avec le style (de l’époque et du compositeur), fruit de l’immersion et de l’expérience dans des univers sonores spécifiques, vient enrichir l’écoute même de l’interprète, notamment les questions de la qualité du son, de la variété des timbres et conséquemment des choix d’exécution.

  • Violaine Anger, Lire Anne-Marie Christin en regardant une partition musicale

Anne-Marie Christin, récemment décédée, a initié toute une réflexion sur l'écriture et l'image, critiquant délibérément Jack Goody et sa conception du signe et de l'image. Elle s'est peu penchée sur la partition musicale, même si elle lui a consacré un numéro de la revue L'Immédiate qu'elle dirigeait. L'intervention se propose de présenter sa pensée, en essayant d'en dégager ce qui pourrait être intéressant pour aborder l'écriture musicale.

  • Annie Coeurdevey, Le statut ontologique de la petite note à l'époque baroque

Alors que se généralisent les exécutions du répertoire baroque « historiquement informées », il est bon de se reporter à l'ouvrage de Nikolaus Harnoncourt, Le discours musical, Pour une nouvelle conception de la musique, qui a eu une large part dans ce renouvellement, et dont un axe important consiste en la notion de tension-détente. Dans cette perspective, je m'attacherai spécialement à la question de la « petite note » ou appoggiature, dont la plupart des interprètes, même les plus excellents, semblent ne pas avoir étudié les diverses fonctions. Pour ce faire, je m'appuie sur trois traités allemands (Quantz, C.P.E. Bach, Türk, parce que ce sont les plus explicites), en donnant des exemples parmi les pièces les plus connues de J. S. Bach, Haydn, Mozart, et en terminant par un court aperçu sur la pratique française.

À l'issue de ces deux années de travaux, il convient de s'interroger à nouveau sur l'ontologie de la notation au regard de celle de l'oeuvre musicale. L'approche traditionnelle de la partition est sonocentrique: la musique écrite « représente » la musique sonore, qu'elle rend transportable et conservable. En outre, la notation fait des notes, écrites ou sonores, l'alphabet de la musique et ses unités de seconde articulation – elle est en quelque sorte phonétique.
Cependant, la notation musicale participe aussi à la textualisation de l'oeuvre, elle rend possible une complexité différente de celle qui serait atteignable sans elle. Elle inscrit la musique dans l'espace autant que dans le temps. Paraphrasant Benveniste, on peut dire que l'écriture musicale assure une « conversion soudaine de la musique en image de la musique ». Elle n'est pas un métalangage de la musique sonore, mais bien un système sémiotique parallèle; d'ailleurs, elle est « interprétable », d'une autre manière que la musique sonore.

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