Héritages culturels et pensée moderne - Les compositeurs taïwanais de musique contemporaine formés à l'étranger

En un peu plus d’un siècle, la musique contemporaine s’est construite à Taïwan un univers bien réel et au vu de son histoire, elle a conquis une place certes modeste, mais indéniable dans ce monde.

À l’échelle de ce petit pays, Taïwan a la particularité d’avoir accumulé des cultures et des régimes différents qui se sont succédé au gré des bouleversements politiques depuis la fin du XIXe siècle source de questionnement pour les habitants de cette île depuis la création du terme « taïwanais » par le colonisateur japonais à un retour forcé à une « Chine classique » au temps du Kuomintang (KMT) puis vers une identité sino-taïwanaise, pour aboutir à une « taïwanitude ». Au fil du temps et des événements, s’opère un glissement d’une identité fantasmée à une identité politique, puis d’une identité culturelle à une identité artistique. La musique contemporaine s’est construite au cœur de cette complexité historique de Taïwan où les compositeurs ont dû se confronter à de nombreux écueils en s’enrichissant de cette complexité. 

Loin d’une dilution vers un style international, la musique contemporaine de Taïwan, qui s’est épanouie en symbiose avec la société civile, en emprunte aussi les traits les plus marquants, faits de dynamisme et de l’absence d’a priori. Sans oublier ses racines multiples, qui sont un atout et non plus un questionnement, les acteurs de la musique contemporaine à Taïwan assimilent de l’Occident technique et savoir-faire, pour les restituer avec leur propre génie sous une forme novatrice qui exprime bien l’originalité taïwanaise promesse de belles œuvres à venir. 

Date de parution: 
06/2015
ISBN / ISSN: 
978-2-7521-0258-4/2105-908X
Editeur(s): 
Delatour France
nombre de pages: 
371
informations complémentaires: 

 

Recension d'Edith Weber, L’Education musicale, n° 95, septembre 2015.

Sur le plan culturel, en raison de sa complexité historique, l'Île de Taïwan (ex Formose), séparée de la Chine continentale, a assimilé diverses influences : chinoise, japonaise et occidentale. Lin-Ni Liao s'attache à démontrer le glissement d'une « identité fantasmée à une identité politique », puis d'une « identité culturelle à une identité artistique ». La première partie est d'ordre historique, avec un rappel des diverses occupations néerlandaise, espagnole puis japonaise entre 1895 et 1945. Toutefois, quelques Taïwanais ont poursuivi des études musicales à l'étranger, par exemple Chang Fu-Hsing, suivi de Lee Chi-Chwan, pédagogue marqué par l'éducation occidentale. Jiang Wenye a joué un rôle de novateur dans le domaine de la musique contemporaine, Chen Su-Ti s'est spécialisé dans la musique religieuse pour piano et Kuo Chi-Yuan, dans différentes formations instrumentales. De 1945 à 1960, se produit un « vide culturel avant une ouverture très progressive », avec « une musique nationale et une musique politique », la création d'institutions : Département de musique, École nationale des Arts de Taïwan, mais aussi d'Orchestres nationaux au service de la musique classique et contemporaine. C'est surtout grâce à Hsu Tsang-Hovei que, dans les années 1960, la musique contemporaine et la critique musicale connaîtront un essor remarquable. De 1970 à 1987, une certaine « contrainte politique » se manifeste par exemple avec le Recueil des chants traditionnels populaires ; les efforts portent alors sur la collecte de chants taïwanais et la défense de l'identité nationale, associée à la fondation de la Bibliothèque musicale, à des réflexions de Shin Wei-Liang, à la création du Centre de recherche de la musique traditionnelle chinoise ayant pour objectif la renaissance de la culture chinoise lancée par des efforts pédagogiques envers des enfants doués et la création de classes spécialisées en tenant compte des enjeux sociaux. De 1987 à nos jours, la conscience taïwanaise se dégage, des changements politiques se manifestent et, progressivement, les compositeurs et compositrices s'imposent avec des programmes de musique contemporaine interprétés par des ensembles de percussions et des orchestres de chambre reflétant une « dynamique orientée vers le monde extérieur ».

Le sujet essentiel de cet ouvrage  — si riche en faits, constats accompagnés d'une abondante liste de compositeurs taïwanais ayant étudié à l'étranger — fait l'objet de la deuxième partie. Lin-Ni Liao propose une éclairante revue des musiciens taïwanais formés en Europe : Autriche et France, notamment à la Sorbonne dans les Séminaires des regrettés Professeurs Jacques Chailley et Tran Van Khê, puis de Danièle Pistone, François Picard, Marc Battier. Ils seront initiés à des esthétiques et principes compositionnels très variés, sans pour autant renier l'idée culturelle taïwanaise. Le cursus et le goût français leur ont été inculqués par Alain Weber et Allain Gaussin, sans oublier l'influence de Claude Debussy, tout en aspirant à 

un langage personnel. Chen Yu est un « compositeur au double cursus ». Le premier musicien formé aux États-Unis est Lu Yan. Plusieurs orientations sont représentées. La musique électroacoustique est aussi en usage à Taïwan dans les années 1960 grâce à Jean-Claude Éloy. Des œuvres s'inspirent de la philosophie traditionnelle chinoise avec, en filigrane, des matériaux culturels chinois.

Lin-Ni Liao a brassé une foultitude de renseignements, de noms, d'institutions situés dans leurs contextes musical, esthétique, politique et par rapport à un héritage culturel très dense. Pour ce faire, elle a élaboré une Table des matières qui se présente comme une revue extrêmement détaillée et précise et une claire mise en ordre (cf. p. 9-15). Ce livre est enrichi d'exemples musicaux et d'Annexes : Liste des compositeurs de musique contemporaine formés à l'étranger, Universités d'accueil (7 Tableaux), et d'une remarquable Bibliographie (p. 335-358) raisonnée et circonstanciée, ainsi que le rappel des sources primaires (divers entretiens) et d'un Index des noms et des œuvres, soit 373 pages résultant d'une Thèse dirigée par Marc Battier. Voilà de quoi instruire les historiens, musicologues, ethnomusicologues, compositeurs, sinologues, bref : tous ceux qui s'intéressent aux problèmes d'identité culturelle orientale, d'acculturation et de créations au XXe siècle et, en général, à l'influence didactique et aux glissements identitaires.


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