Institut de Recherche en Musicologie, 2 rue de Louvois, 75002 Paris, salle de conférence.
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Identification, analyse et définition de concepts dans la théorie musicale des premiers temps modernes. L’apport de la musicologie numérique.
Introduction
1. Argumentaire
Contrairement à un préjugé encore tenace, la lecture des théories anciennes dans leurs propres termes et dans leur contexte historique ne suffit à reconstituer fidèlement ni la pensée de l’époque, ni l’environnement socio-culturel dont elles émanent, ni encore l’organisation du langage musical. Là où la seule prise en compte des écrits théoriques et des partitions ne permet pas de cerner complètement certaines mutations pourtant décisives – par exemple le concept de ‘modalité’ – la lecture critique et orientée des sources, nourrie de notre point de vue actuel, est susceptible de faire émerger des hypothèses qu’il devient alors possible de vérifier, d’infirmer et d’affiner par d’autres lectures et analyses. Le concept de ‘modalité’, qui n’est probablement pas antérieur au xxe siècle, peut ainsi émerger de cette démarche interprétative et éclairer le langage musical de la Renaissance et le passage à la ‘tonalité’ – dont la notion n’apparaît pourtant elle-même qu’au début du xixe siècle. L’étude des concepts à partir d’une lecture du xxie siècle des écrits théoriques anciens s’avère ainsi indispensable à notre compréhension du langage musical en lien avec ses contextes idéologiques.
Les programmes de numérisation massive, engagés au sein des grandes institutions du livre, ont profondément transformé l’accès aux sources. Les éditions électroniques – par exemple celles du TML, TMI, TRéMIR, TMG ou EMT – offrent des possibilités d’interrogation et de lecture fine des écrits. L’environnement du web apporte un cadre propice à l’annotation critique et collaborative des sources. Les outils de fouille sémantique dégagent des perspectives pour l’exploration systématique de grands corpus. Enfin, les connaissances extraites des sources peuvent déboucher sur une formalisation des savoirs dotée de puissance heuristique.
L’objectif de cette séance consiste à cerner l’apport de la musicologie numérique à l’identification, l’analyse et la définition de concepts dans les traités des premiers temps modernes. Dans un contexte où les mots restent les mêmes – par exemple systema, modus, tonus, transpositio – alors que leurs significations changent en profondeur, à la fois d’un traité contemporain à l’autre et sur l’axe temporel, il s’agit de porter un regard méthodologique et épistémologique renouvelé sur les points suivants :
2. Interventions
14h Introduction
14h15 Frans Wiering (Department of Information and Computing Sciences, Utrecht University, Netherlands), « Close and distant reading of music theory ».
In the late 1990s I embarked on a project to digitse Gioseffo Zarlino’s music-theoretical writings, They formed one of the cores of the Thesaurus musicarum italicarum (http://tmiweb.science.uu.nl/), which now contains over 30 digitised music treatises from the 16th-18th centuries. The general idea of the project was to make the treatises better accessible by providing corrected, lightly edited texts shown in various ‘views', illustrations, linking, annotations, and search functionality. In effect, we created scholarly hypertexts. Even though the hope was that treatises would be less selectively studied, it is easy to observe with hindsight that we were enhancing close reading. With the advent of large text corpora, however, a new approach to source study has emerged as well, which Franco Moretti dubbed ‘distant reading’. Distant reading takes as its starting point that it is not humanly possible to read all relevant materials in their entirety. Nor is this necessary, because by using techniques from computational linguistics and big data analysis we may find meaningful patterns that would otherwise go unnoticed. While I haven’t systematically done any such analysis on the (not so big) corpora of digitised music treatises, I will report a few initial a few initial experiments and speculate about their potential for the study of the history of music-theoretical concepts.
15h Nahoko Sekimoto (IReMus, Sorbonne Université), « Entre terme et concept : le cas des « 8 modes » dans les traités de musique en français de 1550 à 1768 ».
Le processus du passage de la conception modale à la conception tonale a lieu progressivement entre le xvie et le xviiie siècles. La présente recherche a pour objectif d’éclairer ce changement conceptuel tel qu’il se manifeste dans la terminologie des traités de musique en français de 1550 à 1768, et dans les concepts que les termes dénotent. Afin de procéder à l’étude du concept de « mode », il n’est pas suffisant de se focaliser sur le concept isolé dénoté par le mot, mais il est primordial d’élargir l’objet de recherche aux concepts connotés. Si le mot « mode » semble parfois polysémique, cela tient souvent plus à d’autres mots qui l’accompagnent, par exemple les chiffres 8 (« 8 modes ») ou 12 (« 12 modes »), ou encore les mots « psalmodique » ou « d’Église », qu’à « mode » lui-même. En plus de cette variabilité du concept (résultat de la polysémie du mot lui-même, de ceux qui lui sont associés, ou de leur combinaison), il faut prendre en considération la variabilité des termes : des signifiants différents peuvent dénoter un même signifié et connoter les mêmes concepts associés. Compte tenu de cette double instabilité, est-il vraiment possible d’identifier des concepts immanents (et éventuellement un noyau de sens commun), tout en tenant compte de leur variabilité en fonction de l’auteur, de la période et du contexte ?
15h45 Christophe Guillotel-Nothmann (IReMus, CNRS), « Une histoire numérique des concepts relatifs à la modalité et à la tonalité : chances et défis ».
Depuis près d’un siècle, l’histoire des concepts – l’exploration critique et systématique du changement de signification d’un terme au cours de son histoire – figure parmi les paradigmes historiques prédominants. Aujourd’hui, la numérisation massive des sources théoriques anciennes, les possibilités de leur interrogation informatisée, et les perspectives qui se dégagent pour la formalisation des connaissances constituent à la fois des nouvelles chances et des nouveaux défis pour une histoire problématisée des concepts.
Il en va ainsi pour la théorie musicale, notamment pour la théorie modale et tonale dans ses interactions multiples et complexes avec les répertoires et les contextes idéologiques. À partir d’un échantillon limité de sources des premiers temps modernes (Dressler 1563/1564, Praetorius 1619, Matthaei 1652 et Werckmeister 1707), cette intervention sonde les possibilités et limites des ontologies informatiques pour l’exploration, la formalisation et l’étude historique de concepts ayant trait à la modalité et à la tonalité.
Actuellement, en dépit des apports d’une telle démarche – notamment au niveau de la gestion de l’instabilité terminologique, des renvois aux sources et de la comparaison des différents édifices conceptuels –, le standard OWL atteint rapidement ses limites lorsqu’il s’agit d’aboutir à une production dynamique, critique et située de connaissances. Sur la base de ce constat provisoire, mon intervention tente d’identifier certains besoins méthodologiques et disciplinaires d’une histoire numérique des concepts en musicologie.
16h30 Discussion
Institut de recherche en Musicologie (UMR 8223)
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