Qu’est-ce qu’une œuvre musicale ? La question est posée depuis toujours. Mais l’examen de la littérature montre qu’elle est le plus souvent traitée avec pour seul modèle l’œuvre musicale écrite, c’est-à-dire l’œuvre sur partition de la tradition savante occidentale. Qu’en est-il des musiques d’oralité, phonographiques ou d’improvisation, du jazz, de la pop, du rock ? Un autre clivage apparaît dans le corpus des textes traitant de ces questions, qui sépare la philosophie analytique anglophone et l’esthé- tique dite continentale. C’est à partir de ces constats que l’auteur procède à un examen minutieux des textes fondamentaux de chacune de ces tendances. Il montre ensuite que la Théorie des musiques audiotactiles du chercheur italien Vincenzo Caporaletti offre un cadre rénové pour traiterde la question de l’être de l’œuvre musicale dans toutes ses dimensions, écrites, orales, enregistrées, improvisées.
Après avoir exposé les principes fondamentaux de cette théorie, Laurent Cugny divise son exploration de la littérature en séparant les textes ne prenant en compte que les œuvres d’écriture et ceux qui élargissent à d’autres horizons. Dans la première de ces deux parties, on retrouve les principaux auteurs de l’esthétique analytique anglophone (Nelson Goodman, Peter Kivy, Jerrold Levinson). Leurs thèses sont mises en regard de celles des philosophes continentaux dont, outre les clas- siques (Jean-Paul Sartre, Roman Ingarden), certains auteurs plus rarement pris en compte : Gisèle Brelet, Boris de Schlœzer, Mikel Dufrenne, Étienne Gilson, Étienne Souriau. Dans l’autre partie sont examinés des textes questionnant l’œuvre de jazz (Andrew Kania, Julian Dodd), de rock (Theodore Gracyk, Roger Pouivet), de pop (Agnès Gayraud). En n, l’auteur nous livre sa propre vision d’une théorie parvenant à englober l’ensemble des musiques, appuyée sur le concept d’audiotactilité.
Ce volume s’inscrit dans un projet plus large, se donnant pour ligne, comme l’indique son titre, de Recentrer la musique, après la longue période de domination d’un décentrement prôné par la New musicology et ses prolongements. Dans un second tome, l’auteur, à partir d’une critique du culturalisme en musique, proposera un cadre renouvelé pour l’analyse musicale, reposant sur le socle méthodologique établi dans ce premier tome et tourné vers une musique en particulier, le jazz.
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